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John Williams : Clefs de compréhension d’une œuvre pour le cinéma

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par François Faucon

- Publié le 17-02-2024




Le 2 janvier 2024, les adeptes de la musique de films apprenaient que John Williams repoussait encore sa retraite. Et le voilà, à 91 ans, avec un agenda complet pour 2024 ! « Si un film intéressant, avec un calendrier compatible, se présente, alors je ne voudrais pas exclure quoi que ce soit. Tout est possible. Tout est devant nous. Seules nos limites nous retiennent. Ou, pour le dire plus simplement, j’aime garder l’esprit ouvert. » Retour sur un monument du cinéma mondial.

Rappels biographiques

Des thèmes mythiques comme celui d' "Indiana Jones" (à écouter sur Youtube) (et tant d'autres que nous ne citerons pas ici...) feraient facilement et rapidement tomber l'œuvre musicale de John Williams dans un vedettaria embrassant tout Hollywood. Pourtant, derrière ce miroir quelque peu facile, derrière certaines critiques (Morricone disait de lui qu'il n'avait aucun style...), il faut s'arrêter sur quelques clefs de compréhensions afin de mieux saisir l'impeccabilité du compositeur. Maître es-orchestration. Mélodiste accompli. Une vie de savoir-faire musical, une vie incomparable sur laquelle il faut préalablement revenir. Non pour en faire l'étude exhaustive mais pour faire surgir quelques éléments significatifs à même de nourrir la compréhension de l'œuvre du maître.

Johnny Williams naît le 8 février 1939 dans l'État de New-York, près de Long Island. A 6 ans, il fréquente déjà les studios de la 20th Century Fox et voit son père jouer comme percussionniste dans un Quintet. Ce dernier est un perfectionniste notoire et fait quelques apparitions à l'écran comme dans "Ali Baba goes to town" / "Nuits d'Arabie" de David Butler en 1937 (extrait sur Youtube). Très tôt, John Williams développe une passion pour le piano et songe à en faire sa profession. Il reconnaîtra plus tard ne pas avoir les dons nécessaires, ce qui ne l'empêchera pas de jouer dans les orchestres de Franz Waxman. Il fait ses études musicales à la prestigieuse Julliard School de New-York et monte un groupe de jazz à 16 ans (album "Jazz beginnings" - à écouter sur Youtube), dans un style type fin des années 50, plus marqué par Glenn Miller que par Leonard Bernstein. Il fait trois ans de service militaire dans l'US Air Force où il y apprend la direction d'orchestre et acquiert des compétences fondamentales et durables dans un style qui le suit encore aujourd'hui : la marche militaire qui requiert l'usage des percussions et des cuivres. Et c'est en 1952, pendant son service militaire qu'il met en musique, à 20 ans... son premier film : "You are Welcome" / "Soyez les bienvenus" - documentaire de 22 minutes (à voir sur Youtube) qui sort sur les écrans en 1954. Il s'agit d'un carnet de voyage à Terre-Neuve. Sur le plan musical, il n'y a pas de quoi s'extasier (ndlr: il reprend des thèmes de chansons folkloriques pour la couleur locale) mais faut-il encore avec le savoir-faire nécessaire pour y parvenir.

En somme, Johnny Williams est un jeune homme doué qui composera dans ces années là quantité de partitions certes dispensables mais qui lui permette d'apprendre, de se faire la main. Et en 1955, il entre aux studios Columbia et se fait remarquer par certains compositeurs à l'emploi du temps surchargé. John Williams finit le travail, se construit une réputation, travaille en free-lance pour différents studios et se lie d'amitié avec le grand Bernard Herrmann qui compose notamment la musique des films d'Alfred Hitchcock. En 1958, l'Association Américaine des Compositeurs souhaite stimuler la création artistique et privilégie par conséquent les compositions originales pour le cinéma au détriment des musiques préexistantes. Les studios ont donc besoin de gens capables de composer des dizaines d'heures de musique par semaine. On retrouve alors John Williams sur différents projets : "Checkmate" / "Échec et mat", série de Eric Ambler en 1960 (thème en écoute sur Youtube) ou encore "How to Steal a Million" / "Comment voler un million de dollars", comédie romantique de William Wyler en 1966 (thème en écoute sur Youtube). De fil en aiguilles, c'est toute une carrière qui se met en route.

John Williams développe un style spécifique, reconnaissable et due à une certaine façon de travailler : ne pas lire le script, s'imprégner de l'atmosphère du film, se " contenter" de la version du réalisateur, améliorer certaines textures, etc. (propos à écouter sur Youtube, dans un entretien avec Gustavo Dudamel). En 1980, il prend la tête du Boston Pop Orchestra (que l'on voit à l'oeuvre dans cette vidéo Youtube jouer "Jurassic Park" de Spielberg en 1993).

Sa mission ? mener la musique vers le grand public.

Clef de compréhension #1 : les mélodies arpégées

John Williams est et reste un mélodiste hors pair, à l'heure où les mélodies cèdent le pas à des motifs musicaux interchangeables chez le Studio de Hans Zimmer "Remote control" (la musique des "Trois Mousquetaires" composée par Guillaume Roussel en 2023 possède d'évidents relents zimmériens issus de "Dark Night"...).

Capable d'évoquer les grands espaces comme dans "Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban" en 2004, John Williams sait aussi composer des thèmes effrayants soulignant la tension dramatique. C'est ce que l'on trouve en 1972 dans le célèbre "Les aventures du Poséidon", une époque où les "films catastrophes" sont à la mode. Dès les premières notes, l'utilisation massive des cuivres renvoie directement aux années d'expérience lors du service militaire.

L'une des signatures musicales du maestro est à chercher dans un trait mélodique qui constitue une véritable signature : les mélodies arpégées. Utilisons ici un exemple pour expliciter notre propos : le thème de "Superman" de Richard Donner en 1978.

Exemple 1 : Superman (de Richard Donner, 1978).

Prenons la gamme de Do majeur connue de tous :

Considérons qu’il y a trop de notes et ne gardons que celles qui constituent l’arpège (I, III, V, etc. à l’octave supérieur) :
 

Prises dans cet ordre là, elles ne représentent que peu d’intérêt. Partons alors de la quinte (V – Sol) pour revenir à la tonique (I – Do) : 

Agrémentons l’ensemble d’un rythme plus martial, et nous y sommes. Superman est né, sur un arpège de Do majeur et dans un optimisme triomphant typiquement américain. Une espèce de surhomme nietzschéen à la sauce yankee : 

Au-delà des analyses, les mélodies de John Williams constituent, à l'évidence, des leimotivs, donc des récurrences tout au long des films concernés. En cela, ces leitmotivs nous apprennent quelque chose sur les personnages, une information qui n'est pas encore donnée par l'image mais que la musique annonce. Car ces leitmotivs ne sont aucunement l'occasion de souligner (comme dans le mickeymousing ou dans les films de l'âge d'or hollywoodien) ce que l'image révèle déjà mais, a contrario, d'alerter sur le devenir d'un personnage ou d'une scène. C'est ce que l'on entend avec l'excellent thème de Rey (à écouter sur Youtube) dans "Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force" de J.J. Abrams en 2015 (La mineur pandiatonique) lequel incarne un personnage banal en apparence, mais promis à un avenir qui le dépasse et dont il n'a pas encore conscience. A partir de 1'55, comment ne pas entendre dans ce thème qui emprunte certainement à des thèmes précédents de la saga (thème de l'Empereur, de Yoda, etc.), et moyennant un crescendo savamment pesé, une invite à l'ouverture, à une dimension supérieur ? La musique joue en cela les démiurges et va beaucoup plus loin que d'autres musiques qui ne disent rien, sinon ce que l'on sait déjà.

Clef de compréhension #2 : imposer un nouveau symphonisme

Les partitions classiques composées depuis Camille Saint-Saens avec "L'assassinat du Duc de Guise" de André Calmettes & Charles Le Bargy, en 1908 - à voir sur Youtube (ndlr : première musique originale de l'histoire) ont débouché sur un âge d'or musical à partir des années 30. Cette période voit la consécration de compositeurs comme Max Steiner ("King Kong" de Merian C. Cooper  en 1933 - à écouter sur Youtube), Erich W. Korngold ("Les Aventures de Robin des Bois" de Michael Curtiz en 1939 - à écouter sur Youtube), Dimitri Tiomkin ("Le Vieil Homme Et La Mer" de John Sturges & Fred Zinnemann, en 1958 - à écouter sur Youtube), Miklos Rozsa ("Ben Hur" de William Wyler, en 1959 - à écouter sur Youtube), etc.

Mais à la fin des années 60, le grand orchestre symphonique apparaît désuet. La mode est alors à la play-list et au jazz, dont le maître-étalon est l'indépassable "The Pink Panther" / "La Panthère rose" de Blake Edwards en 1963 avec la musique de Henry Mancini. Le grand orchestre aurait pu disparaître du monde cinématographique. (ndlr : John Williams contribua d'ailleurs à la période en tant que pianiste de jazz - il interpréte des partitions de Henry Mancini, joue de son intrument pour la BO de "West Side Story" de Robert Wise ou "The Apartment" de Billy Wilder - ce qui n'anticipe pas le fait qu'il soit à l'origine d'un retour du symphonisme). 

C'est sans compter sur un petit jeune nommé Steven Spielberg qui va recruter John Williams pour un film à petit budget : "Jaws" en 1975 (à écouter sur Youtube). Dans ce qui reste le premier blockbuster de l'histoire, les effets spéciaux peinent à fonctionner correctement et le requin animé (affectueusement nommé Bruce...) est souvent en panne. Il faut trouver quelque chose pour compenser. La présentation du thème par Williams à Spielberg est connue. Le compositeur joue les deux notes du thème au réalisateur (une seconde mineure) qui éclate de rire en croyant tout d'abord à une plaisanterie. Pourtant... Ici, la caméra adopte le point de vue d'un acteur inhabituel : un requin qui tarde à se montrer et qui rode dans les profondeurs de la mer. Le pouvoir d'évocation reste difficilement dépassable et génère encore de l'effroi, cinquante ans après. Contrairement à ce que l'on pense parfois, le thème (inspiré de Stravinsky) n'accélère pas. Il s'agit d'un ostinato dans le grave où les silences raccourcissent au point de disparaître, et laissent la place à une espèce d'éructation de cuivres sur un sforzando. L'ensemble pose l'univers sonore du film (des mystères insondables des profondeurs maritimes surgira quelque chose de destructeur !). 

Faute d'avoir le requin à l'écran, c'est une musique omnisciente qui signifie la proximité du danger et, conséquemment, explique au spectateur-auditeur le moment où il doit avoir peur. Le succès de "Jaws" en entraîne d'autres, à l'échelle planétaire. Et en 1977, le premier opus de "Star Wars" provoque l'effet que l'on sait.

Georges Lucas est très marqué par "2001, l'Odyssée de l'espace" de Kubrick sorti en 1968. Pour ce film comme pour tous les autres, Stanley Kubrick utilise de la musique classique. Logiquement, c'est envisagé pour "Star Wars". Reste à savoir laquelle... Un choix visiblement difficile lorsque l'on sait que le comédien qui joue le droïde C3PO se souvient que, dans les premières projections privées, on entendait encore le "Boléro" de Ravel ! Finalement Lucas opte pour une partition originale sur les conseils de Spielberg qui lui présente John Williams suite au succès de "Jaws".

Le compositeur livre alors une partition qui emprunte aux géants du classique : "Les planètes" de Holtz (écouter sur Youtube), "Ainsi parlait Zarathoustra" de Richard Strauss (entendu dans "2001"), et certaines partitions de Korngold (telle que celle du film "Kings Row" de Sam Wood en 1942 qui devient la référence pour le thème de "Star Wars" - comparatif à écouter sur Youtube). Mais ce thème de "Star Wars" trouve une source plus lointaine encore : un intermède composé pour "Manon Lescaut" (1892) par Giacomo Puccini (à écouter sur Youtube). Il ne s'agit aucunement de plagiat mais d'un emprunt demandé par la production et parfaitement assumé par le compositeur. Le succès de "Star Wars" est planétaire et, ce faisant, il marque le retour sur le devant de la scène musicalo-cinématographique de l'orchestre symphonique. Un retour moderne, popularisé et de surcroît, magnifié par l'apparition du Dolby Stereo en 1977. Mais un grand orchestre coûte cher et faute de pouvoir en obtenir en raison de fonds insuffisants, c'est André Prévin, ami de John Williams, et administrateur de l'Orchestre symphonique de Londres qui lui en procure un. C'est ainsi qu'un banal divertissement du samedi après-midi à destination des enfants, devient l'une des sagas les plus iconiques au monde. La musique y est pour beaucoup, notamment grâce à ce personnage unique : Dark Vador. Un cygne noir, presque une divinité nordique sortie d'un mythe wagnérien. Le public l'associera définitivement à la "Marche impériale" (à écouter sur Youtube) qui ne lui est pourtant pas initialement destinée. Une association qui crée un leitmotiv de la puissance imposée à l'Autre, de la splendeur effrayante et écrasante d'une autorité qui s'abat sur les individus et consacre leur impuissance. Pour ce thème, il faut chercher l'inspiration chez des compositeurs russes comme Tchaïkovski ou Prokofiev, des références difficiles à assumer en pleine Guerre froide.

Pour autant, dans le sillage de ce symphonisme exacerbé, John Williams ne se cantonne pas à cela. Un compositeur de musiques de films doit savoir composer dans tous les styles, répondre à des commandes comportant un cahier des charges très précis. Pour le meilleur et le pire, une musique de films est une musique sous contraintes.

Clef de compréhension #3 : L’éclectisme musical

Avec John Williams, on peut faire le tour du spectre musical existant et étudier ses partitions pendant longtemps sans en avoir fait le tour. On a parfois reproché au compositeur d'être trop académique dans ses compositions. Une analyse qui ne vaut que pour les blockbusters (il en a fait beaucoup il est vrai !) et qui fait l'impasse sur son éclectisme même si celui-ci se déploie au sein d'un classicisme important. Mais John Williams sait que le cinéma s'adresse au grand public (on le lui a reproché...) : il faut donc réutiliser ce qui existe déjà pour échafauder un matériau musical nouveau.

Son objectif ? Loin de toute approche pointilliste qui consisterait à souligner d'un trait musical ce qui se passe déjà à l'écran, embrasser de façon généraliste la scène pour en révéler la substantifique moelle pour reprendre une expression rabelaisienne. Passons en revue quelques éléments de ce matériau.

Avec "Catch Me If You Can" de Steven Spielberg en 2005 (générique d'ouverture du film sur Youtube), le compositeur s'adonne au jazz (ndlr : retour aux sources pour lui donc) - mainstream en l'occurrence -, dans le style de Leonard Bernstein. On pourrait passer autant de temps à analyser le générique que la musique.

John Williams sait aussi utiliser des bruits, des sons du quotidien, des bruits perçus comme désagréables mais qui vont lui permettre de sortir d'une composition exclusivement classique. L'objectif ? Produire de l'inattendu, générer quelque chose qui soit davantage qu'un simple effet spécifique et livrer une signification que l'image seule ne donne pas. C'est ce que l'on va trouver dans le film "Images" de Robert Altman en 1972 (à écouter sur Youtube) pour l'une des trop rares incursions du compositeur dans la musique expérimentale (à l'exception de cette curiosité qu'est "Heartbeeps" de Allan Arkush en 1981 (à écouter sur Youtube).

Si le terme cluster est inventé au début du XXe siècle, le procédé daterait au moins du début du XVIIIe siècle. Il s'agit d'une grappe de notes jouées simultanément et que l'on peut laisser résonner sans limitation de durée. Ces grappes génèrent une ambiance musicale propre au mystère et à l'inattendu comme c'est le cas dans "Rencontres du troisième type" de Steven Spielberg en 1977 (à écouter sur Youtube). Un exemple intéressant dans la mesure où la dissonance (récurrente dans l'œuvre du compositeur) ne représente pas le mal comme c'est trop fréquemment le cas. Dans "The Patriot" de Roland Emmerich en 2000 (à écouter sur Youtube), on peut entendre un exemple de pandiatonisme, d'utilisation libre des sept degrés d'une gamme qui donne une impression de montagne russe.

Plus simplement, John Williams sait créer une tension dramatique en jouant sur les contretemps. Certaines de ses partitions sont parfois d'un rythme frénétique, sans temps morts et constituent de véritables morceaux de bravoure à jouer : "Jane Eyre", téléfilm de Delbert Mann en 1971 (à écouter sur Youtube) et "Star Wars: Episode V - L'Empire contre-attaque" de Irvin Kershner en 1980 (le morceau "The Asteroid Field" à écouter sur Youtube).

Mais John Williams sait aussi se taire, une qualité qui se perd dans le grand Hollywood actuel. L'absence de synchronicité systématique entre la musique et l'image, opérant en cela une rupture avec l'âge d'or hollywoodien, fait partie des caractéristiques du style de John Williams. Certaines scènes, avec leurs acteurs et leurs bruits se passent parfaitement de musique ; elle contribuerait davantage à dénaturer la dramaturgie qu'autre chose. C'est ce que l'on a dans "Jurassic Park" de Steven Spielberg en 1993 où la scène de la rencontre avec le T-Rex se suffit à elle-même. L'absence de musique y renforce la "solitude des personnages face au danger" et ce sont les effets sonores (des ondes graves qui se propagent) qui viennent renforcer la dramaturgie en cours loin de toute "convenance" habituelle.

Ces exemples pour en arriver à quelle conclusion ? 

1. Que John Williams compose en symbiose avec le récit filmique, reprend la tradition symphonique de ses pères mais s'en démarque par un jeu de dissociations fondamental : effets d'annonce et d'anticipation, absence de mise en relief musical qui met en relief la violence de certaines scènes, disparition de la musique dans "Jaws" au profit de l'apparition du requin, non accompagnement des transitions d'une scène à l'autre, etc. On lira à profit pour pousser plus loin l'analyse de Chloé Huvet (voir la référence).

2. Que l'harmonie fonctionnelle et l'harmonie non-fonctionnelle s'accordent parfaitement (lire l'article de Jérôme Rossi). La première se trouve à foison dans "Star Wars". L’harmonie non-fonctionnelle quant à elle, "se réfère" à l'utilisation d'accords de telle façon que leur utilisation horizontale s'assimile plutôt à une succession qu'à une progression. Un accord seul peut être considéré comme non fonctionnel s'il n'interagit pas avec les accords voisins dans un processus orienté vers un but, définissant une tonalité." On retrouve ainsi différents modalités relevant du non fonctionnel : dorien dans "Mémoires d'une Geisha" de Rob Marshall (2005) ou dans "Sept Ans Au Tibet" de Jean-Jacques Annaud (1997 - à écouter sur Youtube), pentatonique dans "Rey's Theme" ("Star Wars: The Force Awakens", 2015), pandiatonique dans "The Patriot" (2000).    

Clef de compréhension #4 : l’évocation d’une géographie planétaire

 Panorama BO : les géographies multiples de John Williams [Podcast]

Alexandre Astier avouait récemment qu'on pouvait passer sa vie à étudier l'orchestration de John Williams. Contrairement à certains, Williams orchestre lui-même ses musiques et dans tous les styles. C'est ce qui lui permet d'évoquer tous les continents : Afrique ("Amistad" de Steven Spielberg, 1997 - à écouter sur Youtube), Europe de l'Est ("Liste de Schindler" de Steven Spielberg, 1994 - à écouter sur Youtube), Asie ("Mémoires d'une Geisha" de Rob Marshall - à écouter sur Youtube). Cette géographie planétaire n'est pas composée dans le style des musiques du monde (ce serait trop spécifique pour un spectacle grand public), mais selon des évocations très précises qui invitent au dépaysement dans un contexte extra-diégétique. Ainsi, il compose dans des styles musicaux et avec des orchestrations permettant d'évoquer telle ou telle contrée lointaine. Des orchestrations qui ne sont pas toujours possibles à reproduire en version de concert, contrairement aux solistes : Itzhak Perlman, Yo Yo Ma, Stomu Yamashita, Gil Shaham (pour qui il compose un concerto), Isaac Stern, etc.  Sa géographie musicale est aussi celle plus inaccessible et tourmentée de la psyché humaine poussée à la folie, au paranormal comme dans "The Fury"/ "Furie" de Brian De Palma (1978 - à écouter sur Youtube). Six notes menaçantes égrainées par des clarinettes suffisent pour créer l'angoisse nécessaire.

Bien évidemment, John Williams a une géographie de prédilection : les Etats-Unis. Il est américain, décoré par le président Obama en 2009 de la Médaille nationale des Arts, et cette appartenance s'entend. Notamment dans les fanfares pour cuivre qui confinent à la célébration patriotique voire à la propagande musicale et dont il faut rechercher les premières traces dans ses années passées à l'US Air Force. Parmi les influences en la matière, on retrouve celle de "Fanfare for a Common Man" (à écouter sur Youtube), oeuvre classique pour cuivres et percussions composée par Aaron Copland en 1942 et qui débouche directement sur "Il Faut Sauver Le Soldat Ryan" de Steven Spielberg en 1998 (à écouter sur Youtube). Il faut dire que dans le registre de la fanfare militaire, John Williams a le don d'en proposer une version des plus optimistes : "La Bataille de Midway" de Jack Smight en 1976 - à écouter sur Youtube (qui rappelle certaines compositions de John Philip Sousa comme "Liberty Bell March" - à écouter sur Youtube).

Conclusion

Il serait futile de chercher dans l'œuvre immense de John Williams (remarquons qu'on dit moins "maestro" que "John Williams", ce qui apparaît à l'évidence comme plus iconique), une musique à citer. Bien sûr, les blockbusters que tout le monde connaît. Mais surtout quelques compositions moins connues et quelques concerts : "Angela's Ashes" de Alan Parker en 1999 (à écouter sur Youtube) ; "John Williams in Vienna" - concert en 2020 (à écouter sur Youtube) ; "The Rare Breed" / "Rancho Bravo" de Andrew V. McLaglen en 1966 (à écouter sur Youtube), "Hook" de Steven Spielberg en 1992 (à écouter sur Youtube - pas la plus appréciée de ses partitions et pourtant...), "The Patriot" de Roland Emmerich en 2000 (à écouter sur Youtube) ; etc.  

Références :

par François Faucon


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